Looooogooooo PRESSE

Jean Bart - Un être intelligent ne s'ennuie jamais

Son image d'ermite lui colle à la peau et pourtant il se déclare avide de collaboration, d'expériences, pourvu qu'il puisse conjurer l'ennui qu'il combat sans répit. Car pour lui, il n'y a rien de pire, surtout lorsqu'il vient altérer son processus de création.

"Je ne supporte pas de trouver mon travail ennuyeux. Lorsque cela m'arrive, j'arrête immédiatement ce que je suis en train de faire. J'ai la hantise de l'ennui, c'est viscéral"

bart_thumb.gif (28497 bytes) Jean Bart est un artiste lucide, il mesure pleinement les aspects superficiels de son métier. Il relativise les critiques élogieuses dont il a bénéficié jusqu'à présent et s'attend immanquablement à un retour de bâton. Déjà le quatrième album, et il demeure un mystère pour beaucoup. Son art, il le cultive dans les entrailles d'un abri anti-atomique à Genève où il a installé un studio d'enregistrement. C'est d'ailleurs dans cette ville qu'il continue de vivre, loin des pressions parisiennes qu'il redoute comme la peste. S'il consent à se rendre de temps en temps à Paris, c'est exclusivement pour les besoins de la promotion. A ce titre, il s'expose aux feux croisés de la presse dont il se plaît à dénoncer le manque de sens critique. "La presse, quoiqu'elle en dise, est liée aux facteurs économiques. Je déplore souvent la pauvreté intellectuelle que je rencontre au gré de ces actions de promotion. Pourtant, même dans les pires situations, au contact de gens où rien ne passe, je m'efforce toujours de regarder ce qu'il peut y avoir d'intéressant dans ce que je vis avec ces personnes, et surtout j'essaye de comprendre comment elles fonctionnent, quelle est leur logique propre"

Un nouvel album, un rien désabusé, au titre on ne peut plus explicite : "Affaire Classée avec fracas et pertes, j'en ai trop vu, des mûres et des pas vertes" qui en dit long sur l'état d'esprit de son auteur, sur son parcours. Un disque engendré dans la douleur qui témoigne d'une évolution de son art vers plus de simplicité, plus d'accessibilité.

"C'est un album qui va moins dans certaines recherches de complexité par rapport au son, à la technique d'enregistrement. Pour employer une métaphore cinématographique, je dirais que j'ai fait le choix de plans larges, plutôt que de gros plans. Je devais collaborer avec le producteur de Murat, mais la contrainte financière était telle que j'ai préféré travailler tout seul, comme auparavant. Au final, je ne le regrette pas, car j'ai pu conserver une entière liberté"

Pour en arriver là, le chemin a été rempli d'embûches, long et parfois pénible. Sa discographie est passée par différentes phases, différentes formes d'orchestration, avec le désir d'évoluer, de refuser la stagnation dont souffrent beaucoup de ses pairs.

"Je ressens cette évolution comme quelque chose de très bénéfique. Pourtant, j'ai l'impression que l'époque ne tolère pas forcément ce concept. L'économie fait loi, la société est en mauvaise forme, les gens se contentent de ce qu'ils ont et hésitent à se remettre en question. Il en va de même pour les artistes. Une fois qu'ils ont trouvé l'accord avec l'industrie, ils se figent et se répètent, pour ne pas vivre l'enfer. Pour ma part, j'ai toujours travaillé librement car je ne suis que très peu engagé économiquement. Cette sacro sainte économie, le discours des financiers vont nous mener droit dans le mur. Il n'y a guère qu'au contact du milieu artistique que j'entrevois un coin de ciel bleu"

L'autonomie de création dont il peut à juste titre se réjouir a été égratignée par un blocage de sa maison de disques à la sortie de l'album.

"J'ai fait une chanson qui n'a pas été retenue. Constituée de citations cinématographiques, elle s'intitule "Entre Chiens et Loups". C'est un exercice de style où j'ai tenté de créer un parallélisme entre des citations datant de 1934 et des citations plus récentes. Le morceau est absent de la version française du disque et a été remplacé par "Modern Style", une chanson qui figurait sur "Suite et Fin", mon précédent album. Cette situation est désagréable, et j'ai décidé de sortir le disque en Suisse, dans sa version originale, car je suis très fier de ce texte

On retrouvera Jean Bart sur scène dans une formule trio acoustique, guitares, violoncelle, une fois qu'il aura trouvé un tourneur intéressé par le projet, et surtout quelqu'un qui n'hypothèque pas sur la capacité de perception du public, sur son imagination et son goût pour la création. Un concert de Jean Bart ne peut être que résolument atypique.

"J'ai fait de la scène il y a un peu plus d'un an. J'avais conçu un spectacle autour de mes chansons, illustrées par des projections de films que j'avais réalisés, des extraits de films aussi (Truffaut, Godard) et des poèmes de René Char et Paul Eluard. J'avais filmé l'introduction et la fin du concert. La formule adoptée était déjà acoustique. J'ai envie de renouveler l'expérience avec un spectacle concis de 50 mn. Je suis persuadé qu'il y a une demande du public pour une expression différente. Il ne peut pas se satisfaire de ce qu'on lui propose. A un moment donné un manque se fera sentir et il ira chercher des artistes un peu en marge pour le combler"

Alain Birmann

 

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